Comment dissoudre une société civile ?

Si une société civile est une forme juridique d’entreprise appréciée pour mettre en commun ses objectifs, et même si elle est fondée sur les meilleures intentions, elle n’est pas à l’abri de mettre la clé sous la porte. Fermer une société civile peut être un crève-cœur. Il convient néanmoins d'aborder la question de manière professionnelle et suffisamment informée. Que faut-il savoir lors de la dissolution d’une société civile ? Quelles sont les principales étapes et démarches à effectuer ? Voici les réponses dans cet article.

Ce que dit la loi

La société civile est la forme la plus simple de société de personnes : l'union contractuelle de deux ou plusieurs personnes pour poursuivre un but commun. article 1844-3 du code civil résume brièvement les dispositions à prendre pour liquider une société civile.

Pourquoi fermer une société civile ?

Une société civile peut être dissoute s’il existe un motif légal ou contractuel de dissolution. Il existe un certain nombre de cas possibles qui servent de lignes directrices si les statuts ne contiennent pas de dispositions propres.

L’expiration de la durée de la société

En principe, la durée de vie de la société civile est précisée dans les statuts. Pour éviter sa dissolution automatique à la fin de la durée, on peut avoir recours à une prorogation de la société, prévue par 1844-6 du Code Civil. La prorogation de la société doit être décidée à l’unanimité, sauf mention contraire dans les statuts de la société. La durée de vie totale d’une société civile, incluant une éventuelle prorogation, ne peut excéder 99 ans.

La réalisation ou l’extinction de l’objet social de la société civile

Les nombreuses sociétés civiles sont fondées à des fins très diverses. En règle générale, la création d’une société civile définit un certain but commercial à atteindre. Si, par exemple, deux artisans indépendants s'associent pour former un projet commun qui ne durera que quelques mois, la société civile sera dissoute au terme de ce projet car le but a été atteint.

Les statuts de la société précisent l’objet social de la société civile. S’il est atteint, sa réalisation entraîne automatiquement la dissolution de la société civile. Dans le cas d’une SCI (société civile immobilière), il peut y avoir d’autres raisons pratiques : le divorce du couple qui aurait créé la SCI pour gérer son patrimoine privé pendant leur mariage, la vente d’un immeuble que la société détenait, etc.

Il est aussi possible que l’objet social d’une société ne puisse pas être atteint. Dans ce cas, il faut effectivement dissoudre la société civile. C'est le cas, par exemple, lorsqu’une société de covoiturage ne peut plus fonctionner parce que le permis de conduire du seul conducteur a été retiré.

L’annulation du contrat de la société

La société civile constitue un contrat. Par conséquent, si l’un des éléments majeurs du contrat venait à manquer, ceci entraine la nullité du contrat, qui doit être annulé. La dissolution d’une société civile peut également se produire lorsque le contrat de société ne respecte pas la réglementation en vigueur. Il faut noter que toute personne tierce au courant d’un élément susceptible de provoquer l’annulation du contrat de société est en mesure de demander la dissolution de la société civile.

La dissolution anticipée de la société décidée par les associés

Cette décision doit être prise par assemblée générale extraordinaire de la société civile. En théorie, la dissolution anticipée doit être votée à l’unanimité par l’ensemble des associés sauf si les statuts précisent explicitement que ce n’est pas nécessaire et précisent une majorité minimale.

La dissolution anticipée de la société civile par décision judiciaire

Une raison fréquente pour dissoudre une société civile est la dissolution anticipée prononcée par le tribunal. Elle peut intervenir à la demande d’un des associés dans la mesure où elle est justifiée par un motif légitime. Ce motif peut être l’un des suivants :

  • Un conflit entre les associés
  • Un ou plusieurs associés ne s’acquittent pas de leurs obligations
  • La société n’a plus de gérant depuis plus d’un an

La liquidation judiciaire pour insuffisance d’actifs

L’article R643-16 du Code de Commerce prévoit qu’il est possible de liquider une société civile si elle présente d’importantes difficultés économiques, et en particulier à la suite de la cessation des paiements. La dissolution est alors prononcée par un juge spécialisé.

La vente de la société civile

En principe, une société civile peut être vendue. Elle n’est pas forcément dissoute, mais passe en possession de l'acheteur en tout ou en partie, en fonction du contrat d'achat. L'acheteur décide alors si cette société civile doit être convertie en une autre forme de société, poursuivie sous une forme similaire ou intégrée dans une autre société. La vente d'une société civile n'est donc pas nécessairement un motif de dissolution, mais elle signifie que les actionnaires n’en font plus partie.

La réunion des parts sociales en une seule main

Si l’un des associés reprend l’ensemble des parts, ceci entraîne la dissolution judiciaire de la société civile, conformément à l’article 1844-5 du Code Civil. Cependant, la société civile dispose d’un an pour régulariser sa situation avant que le tribunal prononce sa dissolution judiciaire.

Le décès d’un des associés

La question de savoir si le décès d'un associé est un motif suffisant pour la dissolution dépend des statuts de chaque entreprise : en l’absence de dispositions contraires, il est possible de dissoudre une société civile en cas de décès d'un associé. En règle générale, les statuts contiennent toutefois des clauses de continuation qui déterminent le futur de la société en cas de décès. Les clauses successorales déterminent aussi généralement la façon dont les héritiers d'un associé peuvent procéder avec la société civile s’il venait à décéder.

Comment se déroule la dissolution d’une société civile ?

Dissoudre une société civile est un processus relativement long, dont il faut suivre toutes les étapes par ordre chronologique. On en dénombre en général six, que nous vous détaillons ci-dessous.

Conseil

Vous pouvez déjà vous mettre d’accord et consigner par écrit certaines règles lors de la création d’une société civile dans les statuts ; ceci pourra faciliter une dissolution future et prévenir d’éventuels conflits.

Étape 1 : organiser l’assemblée générale

Convoquer une assemblée générale peut se faire à la demande d’un des associés ou du gérant. Il s’agit d’une assemblée générale extraordinaire durant laquelle on vote pour dissoudre la société civile. Si le vote est prononcé, le gérant est démis de ses fonctions de façon automatique.

Étape 2 : nommer le liquidateur

Dans la mesure où la dissolution met fin aux fonctions de gérant, il faut désigner un liquidateur qui sera en charge de l’entreprise pendant toute la phase de dissolution. Ce sont en général les statuts qui définissent la façon dont il est nommé et l’étendue de ses pouvoirs. Les statuts peuvent même prévoir à l’avance de qui il s’agit, par exemple l’un des associés ou une tierce personne, comme un avocat ou un notaire. Si rien n’a été défini dans les statuts, le liquidateur doit être nommé à l’unanimité par les associés (ou, le cas échéant, à la majorité mentionnée dans les statuts). Si les associés n’arrivent pas à trouver un accord, le liquidateur sera nommé par le président du tribunal de grande instance.

Le rôle du liquidateur est de se charger de toute la procédure qui vise à dissoudre et liquider la société civile. Il est désigné pour toute la durée des opérations de liquidation, sauf mention contraire dans l’acte de nomination ou dans les statuts.

Étape 3 : procéder aux formalités de dissolution

L’une des premières actions du liquidateur est de rédiger un procès-verbal de dissolution. Il doit en ensuite réaliser trois démarches :

  • Enregistrer le procès-verbal auprès de la recette des impôts du domicile d’un des associés
  • Déposer un dossier au greffe du tribunal de commerce rattaché au siège social. En effet, la dissolution n’entraîne pas la radiation immédiate de la société civile, qui reste une personne morale pour les besoins de la liquidation
  • Publier un avis de dissolution dans un journal d'annonce légales (JAL)

Étape 4 : liquider les biens de la société civile

Après l’avis de dissolution, l’une des missions essentielles du liquidateur est liquider la société civile, ce qui signifie transformer ses actifs restants en liquidités, afin de régler les créanciers.

Pour ce faire, le liquidateur établit un bilan de clôture, qui doit être approuvé par les associés avant la liquidation. Ensuite, la liquidation s’effectue en trois sous-étapes :

  • Régler les dettes de la société aux créanciers le cas échéant : le liquidateur doit retrancher le montant des dettes sur la trésorerie de la société civile. S’il n’y a plus de trésorerie, chaque associé doit rembourser le montant des dettes proportionnellement à son apport dans le capital de la société. Si l'emprunt a déjà été remboursé, la liquidation consiste uniquement à l'inventaire des éléments de l'actif et du passif de la société civile (biens, compte bancaire et comptes courants des associés).
  • Partager la trésorerie restante après le règlement des dettes. Cette répartition est proportionnelle aux apports de chacun des associés.
  • Publier un avis de liquidation dans un journal d’annonces légales

Étape 5 : radier la société civile

Après la dissolution et la liquidation de la société civile et une fois que la cessation d’activité est effective, le liquidateur dispose de 30 jours pour déclarer la dissolution auprès du Centre de Formalités des Entreprises (CFE) ou du greffe du Tribunal de Commerce correspondant au siège social de la société, et publier un avis de clôture de la liquidation dans le journal d'annonces légales qui avait publié sa création.

Le dossier de radiation doit comprendre les pièces suivantes :

  • Une attestation de clôture des comptes de la société civile, certifiée conforme par le liquidateur
  • Une attestation de clôture des opérations de liquidation, certifiée conforme par le liquidateur
  • Le formulaire M4, rempli et signé par le liquidateur
  • Une attestation de publication de l’annonce de clôture dans le journal d’annonces légales
Note

Dès que la radiation de la société civile est effective, elle n’a plus de personnalité juridique et n'existe plus juridiquement.

Étape 6 : répartir les actifs de la société civile

Après la radiation de la société civile, le paiement des dettes et le remboursement du capital social de la société, l'actif restant doit être partagé entre les associés, en nature ou en espèces. Certains des biens peuvent être attribués à un ou des associés en fonction d’une clause spécifique, ou par une décision unanime. Par défaut, tout associé qui a apporté un bien peut simplement en demander la restitution. Si les associés ne parviennent pas à s’entendre, l’un d’eux peut saisir la justice pour statuer sur le partage. Les associés disposent ensuite d’un mois pour enregistrer l’acte de partage auprès du service des impôts.

Questions fréquentes sur la dissolution d’une société civile

Dissoudre une société civile est une procédure spécifique dont il faut suivre chacune des étapes. Pour plus de clarté, voici les réponses aux questions les plus souvent posées à ce sujet.

Est-il possible de dissoudre une société civile en tant qu’associé sans l’accord des autres ?

Si la société n’est composée que de deux partenaires, sa dissolution résulte toujours du retrait d'un associé. Si elle comprend plus de deux associés, la dissolution doit résulter d’une décision unanime.

Qui a droit à quoi lorsqu’une société civile est dissoute ?

Ceci est réglé par le litige. Sauf mention contraire dans les statuts, la répartition de l'actif de la société s'effectue par associé, qui se voit attribuer une partie des actifs auxquels il a droit au prorata de son apport. Si la société présente des dettes, les associés devront les rembourser également au prorata, car ils sont personnellement responsables.

Quelle est la meilleure façon de clarifier la répartition des actifs en cas de dissolution d’une société civile ?

Comme dans toutes les situations, un accord de partenariat global est la meilleure base pour une dissolution en douceur. Idéalement, les statuts règlent déjà la répartition proportionnelle des actifs de l’entreprise. Sinon, il y a une répartition selon les chefs, qui doit être communiquée ouvertement et de manière transparente. S'il existe des dettes, celles-ci doivent également être remboursées proportionnellement aux apports de chacun.

En cas de litige lors de la dissolution, il est nécessaire de disposer d’une documentation exacte, en particulier des chiffres d’entrée et de sortie. Si un actionnaire se sent néanmoins injustement traité, il doit faire clarifier la situation par un avocat. L’avocat est le mieux placé pour vérifier quelles sont les dettes réelles.

Quelles sont les conséquences fiscales de la dissolution d’une société civile ?

Après la dissolution d’une société civile, celle-ci est radiée et n’est plus imposable. Mais il peut, après avoir clarifié l’actif et le passif de la société civile en dissolution, rester un capital appelé le boni de liquidation. Cette somme est imposable et ce sont les associés qui doivent s’en acquitter. Retrouvez plus d’informations dans notre article dédié à la fiscalité des sociétés civiles.

Veuillez prendre connaissance des mentions légales en vigueur sur cet article.