L’impact du Banner Blindness sur le Webmarketing

La première bannière publicitaire était en ligne sur Wired.com le 24 octobre 1994. La page appartenait au magazine Web HotWired, la version digitale du magazine Wired, encore existant aujourd’hui. Le client de cette toute première bannière publicitaire était la multinationale américaine en télécommunication AT&T. Celle-ci comportait un message multicolore indiquant « Have you ever clicked your mouse right HERE? » ainsi qu’une flèche menant à la réponse « YOU WILL » (« Avez-vous déjà cliqué ici ? » « Vous le ferez », et reprenant ainsi un slogan d’une campagne publicitaire télé de  la marque de l’époque. 

La conception de cette publicité à rempli ses objectifs : les visiteurs ont réagi positivement et ont cliqué sur la bannière, générant ainsi du trafic pour AT&T. Le magazine attirait alors l’attention avec sa bannière en ligne novatrice, et a pu constater des recettes publicitaires dès la première année. Le taux de clics ou Click-Through-Rate (CTR) en anglais, s’élevait à 44 pourcent pour cette première bannière publicitaire. Sur cent utilisateurs qui ont aperçu cette bannière, 44 ont donc cliqué dessus, un résultat dont rêverait tout professionnel du marketing aujourd’hui.  

Selon les statistiques des outils de Google, seul un utilisateur ou deux seulement sur 1000 clique désormais sur ce type de bannière en moyenne. Parmi les facteurs permettant d’expliquer les raisons de cette tendance, il y a le phénomène de « Banner Blindness » ou cécité envers les bannières en français.

Qu’est-ce que le Banner Blindness ?

Le terme de Banner Blindness décrit un phénomène où le visiteur d’une page Web ignore consciemment ou non un élément publicitaire comme une bannière par exemple. La notion a notamment été introduite par les travaux de Benway en 1998. Des études ont montré que des bannières mal intégrées étaient souvent ignorées, mais aussi que des liens textuels incorporés à des articles dans le contexte se révélaient plus efficaces que des bannières extérieures. On a aussi découvert que les bannières placées loin en haut d’une page passent plus souvent inaperçues que celles positionnées en bas. Depuis cette étude sur la cécité envers les bannières publicitaires, le phénomène a pris une place plus importante lors de la mise en place de stratégies publicitaires. 

Pourquoi la cécité envers les bannières augmente-t-elle ?

Les raisons et approches d’explication de cette augmentation du Banner Blindness sont nombreuses : les utilisateurs sont d’une part plus expérimentés et perçoivent les éléments publicitaires tels que les bannières comme des contenus qu’ils n’ont pas recherché, surtout lorsque la recherche comporte un objectif ciblé. Ignorer ces éléments de manière inconsciente est donc une réaction logique. Il est aussi confirmé que les internautes n’ayant pas de but précis dans leur navigation Web cliqueront plus souvent sur de telles bannières publicitaires. 

La cécité envers les bannières s’est renforcée avec les fausses fenêtres de dialogues notamment. Qu’il s’agisse d’un message d’erreur, d’une annonce de gain d’argent ou d’une alerte de virus informatique, les classiques boutons « Ok » et « Cancel » renvoient à des publicités surprenantes aux yeux des utilisateurs, ou pire encore, introduisent des malwares dans le système : une des trois stratégies Web encore utilisées les moins appréciées, avec les publicités de fenêtres Pop-ups et les annonces aux longs chargements.

Le phénomène de Banner Blindness résulte aussi du trop-plein croissant d’informations proposées par les sites Internet à leurs internautes. Ceci est aussi valable sur les supports publicitaires plus traditionnels, à savoir la télévision ou l’affichage urbain. Cela fait du sujet de la perception subconsciente des publicités un sujet de recherche important.

Banner-Blindness : un sujet important dans le développement Web

La problématique du Banner Blindness n‘est déjà, et depuis longtemps, plus limitée aux annonces publicitaires : les développeurs Web ont entre-temps aussi été forcés de faire face à ce phénomène.  Etant donné que les utilisateurs choisissent inconsciemment quels éléments regarder ou non, certains contenus de nature non publicitaire peuvent aussi leur échapper. Les grandes images en particulier, situées sur des positions typiques de publicités comme la colonne de droite, ou bien encore en en-tête sous forme de bannière, attirent ainsi moins l’attention. Les développeurs Web devraient donc éviter de placer des contenus dans ces espaces ou bien y placer des contenus moins importants. D’un autre côté, ils doivent être particulièrement attentifs à la forme et au placement des images, et les tester au préalable si possible.  

La méthode A/B-Testings permet de tester différentes versions d’un projet Web. Toutefois, ce processus de test permet plutôt d’évaluer l’utilisabilité générale d’un site Web. Mesurer l’impact du Banner Blindness parmi d’autres facteurs est possible dans certaines circonstances, mais n’est pas garantie avec certitude dans le comportement utilisateur. Pour cette raison les développeurs devraient réfléchir au préalable sur les éléments qu’ils affilient à de la publicité ou à un contenu peu important.

Différentes études en oculométrie (eye-tracking en anglais) s’avèrent de plus intéressantes pour comprendre ce phénomène. Les mouvements des yeux sont calculés à l’aide d’appareils spécifiques et l’on représente visuellement ces mouvements sur ce qu’on appelle une Heatmaps. Cette méthode provient principalement de la neuroscience, de la linguistique et du design produit, et a notamment été utilisée par Jakob Nielsen dans une étude complète sur l’utilisabilité Web. Les résultats de l’étude de Jakob Nielsen en 2009 nommée « Eyetracking Web Usability » confirment le Banner Blindness. Il existe aujourd’hui différents fournisseurs de service d’analyse d‘oculométrie comme EyeQuant, en général disponibles sous la forme de logiciels se basant sur des données scientifiques. D’autres outils comme Mouseflow permettent la création d’une Heatmaps sur la base des déplacements de la souris des utilisateurs.

Publicités natives : de l’ombre à la lumière

Tandis que les développeurs de sites Web savent contourner la cécité envers les bannières, les publicitaires doivent trouver de nouveaux moyens d’atteindre des communautés d’utilisateurs.  Indépendamment du Banner Blindness, de nombreux utilisateurs font confiance à un bloqueur de publicités, permettent de caractériser des bannières publicitaires comme étant non sérieuses et énervantes et de les masquer ou interrompre leur chargement, à l’image des fenêtres pop-up. Cela n’a pas de conséquence sur le taux de clics, car ce dernier prend seulement en compte les clics (ou l’absence de clics) sur les annonces qui sont livrées à l’internaute. Ces outils de blocage de publicités représentent de réelles barrières pour les publicitaires Web en général.  

Même s’il existe de nouvelles méthodes de développement pour ne proposer qu’un accès limité aux contenus pour les internautes utilisant un bloqueur de publicités, il convient de contourner le problème de la cécité envers les bannières publicitaires en cherchant des alternatives ou idées innovantes. Une stratégie provenant des USA est souvent mentionnée dans ce contexte, celle du Native Advertising. Le point clé de ce concept est d’intégrer la publicité tel un contenu classique, pour qu’elle soit interprétée en tant que tel. Les annonces publicitaires de ce type ressemblent pour cette raison le plus possible au contenu respectif, que ce soit sous la forme de textes, d’articles de Blog ou encore de vidéo.  

Le Native Advertising devrait raviver la publicité en ligne, notamment sur les supports mobiles, et encourager les entreprises à envisager cela comme un facteur productif de croissance. Si le phénomène du Banner Blindness ne peut être comparé que partiellement sur une utilisation mobile (type Smartphone, tablette, etc.), les professionnels du marketing sont contraints à l’utilisation de bannières publicitaires alternatives en raison de la petite taille des écrans, même si les annonces pop-up se révèlent plus efficaces que sur un ordinateur de bureau, en combinaison avec l’utilisation imprécise qu’implique la technologie Touchscreen.  

Des exemples typiques de Native Advertising se trouvent sur les réseaux sociaux. Qu’il s’agisse de Facebook, Twiiter ou Pinterest : les annonces publicitaires sont affichées sous la forme d’un apport rédactionnel (article, images, vidéos, etc.), et ce automatiquement dans la timeline de l’utilisateur, dont le profil digital peut être très prometteur pour l’obtention de clients potentiels. D’un autre côté, des influenceurs tels que des sportifs, acteurs ou modèles participent activement aux évènements publicitaires, en présentant des marques ou produits dans leurs publications. Pour lutter contre la cécité envers les bannières des utilisateurs du Web, il s’agit, comme souvent en marketing, de se montrer créatif et de posséder une longueur d’avance sur le consommateur.